21/03/2019

Les créateurs de saveurs privés de la protection des droits d'auteurs

A l’occasion d’un litige porté devant les juridictions Néerlandaises, les juges ont dû se prononcer sur le point de savoir si le goût d’un produit alimentaire pouvait être protégé par des droits d’auteur.

Traditionnellement, le droit Européen offre la protection des droits d’auteur à ce qui peut être considéré comme une œuvre.

Or, le point au litige était de savoir si une saveur pouvait être assimilée à une « œuvre » au sens du droit de l’Union.

La question a été portée devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, laquelle s’est prononcée en faveur d’une interprétation restrictive de la notion d’œuvre.

En effet, les juges ont considéré que la notion « d’œuvre »  au sens de la directive Européenne applicable en la matière impliquait nécessairement « une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité ».

Or, la Cour retient qu’une saveur alimentaire ne peut donner lieu à une telle identification.

Elle expose en effet que « l’identification de la saveur d’un produit alimentaire repose essentiellement sur des sensations et des expériences gustatives qui sont subjectives et variables puisqu’elles dépendent, notamment, de facteurs liés à la personne qui goûte le produit concerné, tels que sont âge, ses préférences alimentaires et ses habitudes de consommation… ».

Pour pouvoir être qualifié « d’œuvre » et être protégé par des droits d’auteurs, le produit concerné doit donc pouvoir être identifié précisément et de manière objective, indépendamment de variables personnelles à chacun telles que ses goûts.

Cela ne signifie pas que toute « œuvre » doit pouvoir être pareillement considérée par chaque individu. S’agissant d’un livre policier par exemple, des lecteurs pourraient ne pas s’entendre pour le qualifier de « bon » ou de « mauvais ». Néanmoins, ils ne pourraient se contredire sur sa nature, qui est d’être un roman policier. Le livre est donc objectivement identifiable.

S’agissant d’une saveur, on pourrait avoir autant de description que d’individus se prononçant sur la question. Ainsi, le goût ne semble pouvoir être identifié d’une manière qui permette à chacun d’y référer.

En droit français, les parfumeurs ont eux-mêmes tenté de protéger les odeurs au titre de la protection du droit d’auteur. En effet, parenthèse faite de l’éventuelle protection des dessins et modèles sur les flacons, les créateurs n’ont à ce jour pas de fondement pour se défendre contre des concurrents qui copieraient leurs produits.

La Cour de cassation s’aligne effectivement sur la position de la Cour de l’Union, considérant que "le droit d'auteur ne protège les créations dans leur forme sensible, qu'autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication".

En attendant que des techniques d’identification permettent d’honorer les critères posés par les juridictions, il semblerait que les « créateurs » de goûts, de saveurs et même d’odeurs devront se contenter de l’action en concurrence déloyale, laquelle implique de rapporter la preuve d’une imitation fautive des concurrents.


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