01/03/2019

L’ubérisation de notre économie n’échappe pas au joug du Code du travail

Les coursiers autoentrepreneurs exerçant pour la plateforme Take Eat Easy sont des salariés

Il y a près de dix ans, la Cour de Cassation requalifiait les candidats de téléréalité en salariés considérant qu’un lien de subordination était établi entre le candidat et la société de production.

Aujourd’hui et pour la première fois, la Haute Juridiction se prononce sur le contrat liant un autoentrepreneur (coursier à vélo) à une plateforme numérique. Il s’agissait en l’espèce de la société Take Eat Easy (aujourd’hui en liquidation) proposant la livraison de repas via une application mettant en relation des restaurants, des clients passant commande et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous le statut de travailleurs indépendants.

La Cour d’Appel avait dans un premier temps refusé de requalifier la relation liant l’autoentrepreneur à Take Eat Easy en contrat de travail, estimant que le lien de subordination liant le coursier à la plateforme numérique n’était pas caractérisé puisque le coursier restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel par décision en date du 28 Novembre 2018.

Selon le Code du travail, (article L 8221-6), l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque des travailleurs indépendants fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci. Le lien de subordination juridique se défini comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’une personne physique ou morale qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.

Pour identifier le lien de subordination et requalifier la relation en contrat de travail, la Cour de Cassation a retenu que la société de livraison de repas utilisait un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus et avait un pouvoir de sanction envers le coursier en cas de non-respect des créneaux horaires de travail. Pour la Cour de Cassation ce pouvoir de direction et de contrôle caractérise le lien de subordination.

Cet exemple nous montre une nouvelle fois qu’il est important de garder à l’esprit qu’une relation salariée ne découle ni de la volonté exprimée par les parties, ni du titre qu’elles ont donné au contrat mais dépend bien des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité. Si dans les faits un lien de subordination est établi, alors la relation liant les parties sera une relation employeur/salarié soumise aux dispositions du Code du travail, avec toutes les conséquences qui en découlent (durée du travail, respect des procédures de rupture du contrat de travail…).

Nul doute que par cette décision, la Haute Juridiction a voulu donner un signal fort aux plateformes numériques recourant en masse à des auto-entrepreneurs. L’uberisation de notre économie n’échappe pas au joug du Code du travail….


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